À l’exemple de la ville de Zurich, la vie (et la fin de vie) des abattoirs modernes est à replacer dans son contexte historique et social. Le lieu de construction d’un abattoir et les modalités d’abattage sont déterminés par diverses contraintes ainsi que par l’esprit du temps et l’état des connaissances.
L’histoire de la boucherie et des abattoirs est en quelque sorte le miroir de l’histoire de l’humanité : l’ère du chasseur nomade couvrant ses besoins au gré de sa bonne fortune a précédé celle du paysan du Néolithique qui abat son bétail à la ferme, puis notre civilisation caractérisée par une spécialisation et une distanciation croissantes entre l’homme et ses « proies animales ».
Dans les abattoirs modernes, les étapes de travail sont minutées et régies par un codex international. On revoit cette scène de « Tintin en Amérique » où les boeufs arrivent sur le tapis roulant à la queue leu leu pour ressortir de l’autre côté sous forme de boîtes de « corned beef».
La boucherie de l’hôtel de ville
Jusqu’au Moyen-Âge, l’abattage était l’affaire des paysans et de leurs clients bouchers. Il se faisait une ou deux fois l’an, dans le pâturage, à la ferme ou dans la buanderie.
À la fin du Moyen Âge, le boucher entre progressivement dans la cité. A Zurich, par exemple, la corporation des métiers de la viande, ayant joué un rôle actif pour déjouer un contre-coup d’État d’anciens dignitaires, a pu obtenir certains privilèges et faire sa place dans le tissu économique local. En 1420, le Conseil de ville fait construire une boucherie municipale, avec abattoir et halle de vente. À l’époque de son apogée, on y a compté jusqu’à 33 étals de viande, dressés sur l’actuel « Gemüsebrücke » (« pont aux légumes ») enjambant la Limmat, idéalement centré, à proximité de l’Hôtel de Ville. L’eau était un élément indispensable à l’activité d’abattage ; elle était notamment utilisée pour laver les viscères, dépiler les peaux, etc. En 1863, la population zurichoise ne supporte plus les émanations de la boucherie de l’Hôtel de Ville. De nouveaux abattoirs calqués sur le modèle symétrique à la française sont contruits en 1866 en bordure de ville, sur la « Walche », qui borde la Limmat, face à la gare. À partir de cette date, tuer en abattoir devient une obligation. L’abattoir du pont aux légumes est démoli et cède la place à un local de vente de viande.
L’abattoir de la Walche
L’abattoir municipal de la Walche a été fonctionnel jusqu’en 1906. On y voit apparaître les prémisses d’une division industrielle du travail. L’abattage se fait par espèce, et les opérations d’éviscération, de lavage et d’échaudage se déroulent dans des locaux distincts. On engage du personnel spécialisé, tel des bouchers équarisseurs, chargés notamment de dépouiller les animaux.
L’abattoir de Zurich
En 1893, Zurich fusionne avec onze de ses faubourgs. Ces communes jusque-là indépendantes sont elles aussi assujetties à l’obligation de tuer en abattoir. Cette centralisation favorise la codification des législations sur les denrées alimentaires. L’accès par le rail pèse désormais davantage que la présence d’un point d’eau lorsqu’il s’agit de choisir l’emplacement d’un abattoir. Or le quartier du Letzi est relié au réseau ferroviaire. La ville acquiert ce terrain situé en périphérie pour y construire des abattoirs modernes s’inspirant des processus rationalisés appliqués en Allemagne.
Le nouvel abattoir de Zurich est inauguré en 1909. Durant son histoire, années fastes et années noires se succéderont au gré des crises, des guerres, des scandales, de la concurrence de la grande distribution, de l’importation de produits carnés étrangers, des nouvelles habitudes de consommation, de la reprise d’activités pour d’autres cantons. Les derniers rails qui menaient à l’abattoir de Zurich sont arrachés en 1981, la desserte ferroviaire, principal atout du site, étant devenue obsolète. En 1985, le grand abattoir du Letzi cesse ses activités et un nouvel abattoir partiellement automatisé s’ouvre juste à côté. Classé entretemps monument historique, le bâtiment de l’ancien abattoir a été réaffecté et a abrité depuis lors une boucherie, un restaurant, un concessionnaire automobile, divers autres locaux commerciaux et même des logements. La Ville de Zurich présentera un plan d’affectation d’ici au milieu de 2021, qui décidera de l’avenir de l’ancien site des abattoirs et de ses 50 000 m² de terrain.
Bibliographie et sources
- Simome Desiderato; Martin Illi; Urs Lengwiler; Christine Steffen, Fleisch für Zürich: 100 Jahre Schlachthof Zürich. 100 Jahre Metzgermeisterverein Zürich, 1909-2009, Baden: hier + jetzt 2009
- Thomas Frei, Ein Etablissment zur Zierde der Stadt: von den Luzerner Freibänken zum Schlachthof, Luzern: Kommissionsverlag Raeber 1996
- Katerina Kroucheva, Das Göttliche im Kalbhaften. Die Schlachthöfe von Chicago in religiösen Diskursen des 19. Und 20 Jahrhunderts. In: Alena Diederich; Julia Hoffmann; Niels Penke (Hrsg.), Archetypen, Artefakte. Komparatistische Beiträge zur kulturellen und literarischen Repräsentation von Tieren, Frankfurt a.M.; Bern: PL Academic Research 2013, Seiten 117-138.
- Anne-Marie Dubler, Boucherie. In: e-DHS, version du 11.11.2010
- Site web SZB, Schlachtbetrieb Zürich AG
- Site web de l’Union Professionnelle Suisse de la Viande (archive)
- Site web de l’Union Professionnelle Suisse de la Viande
- Site web de la Ville de Zurich, abattoir
- Site web de la Ville de Zurich (archive)
- Site web de la corporation Zunft zum Widder (archive)
- Site web de la corporation Zunft zum Widder
Dernière modification 18.03.2021
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