Que les Archives littéraires suisses (ALS) consacrent leur numéro de ce printemps aux « années ’68 » peut sembler a priori paradoxal – la commémoration, par un organisme étatique, d’un mouvement antiautoritaire et contestataire n’allant pas forcément de soi. Et pourtant ces trois termes (archives, littéraires, suisses) ne sont pas incompatibles avec « ’68 ».
Archives. Si l’on associe volontiers la « révolution » à des formes de communication plus éphémères et volatiles (tracts, graffitis, sit-in) qu’à des manuscrits originaux soigneusement conservés, l’existence de centres dédiés à la collecte et à l’étude de documents produits par les mouvements protestataires (des Schweizerisches Sozialarchiv de Zurich à l’association Archives contestataires à Genève) atteste du nombre conséquent de traces laissées par les acteurs de l’époque.
Littérature. Bien que nombre d’écrivains romands restèrent à distance de la littérature dite « engagée » et que la démocratisation de la parole se fit, notamment, au détriment des clercs, les prises de position de quelques écrivains célèbres sont largement connues (Frisch, Dürrenmatt ou Diggelmann par exemple).
Suisse. Enfin, malgré la faible intensité des événements et l’hétérogénéité des revendications, explicables par les caractéristiques propres à la culture politique helvétique (fédéralisme, plurilinguisme, neutralité), les recherches menées depuis une bonne dizaine d’années ont donné tort à ceux qui prétendaient que le vent de la contestation avait épargné la Suisse.
Laissant de côté le récit des événements proprement dits, sujets de nombreuses publications en cette année anniversaire, mais désirant participer, à leur façon, aux commémorations de « Mai 68 », les ALS ont souhaité placer ce numéro au croisement de l’archive, de l’écriture et de l’historiographie en se penchant sur les ressources documentaires à disposition des chercheurs, en revenant sur le rôle de l’écrit et sur l’attitude de quelques écrivains (plusieurs documents conservés aux ALS sont présentés), et en revisitant, grâce à Michel Thévoz, ce qu’il est désormais convenu d’appeler le « mythe » de « 68 ».
Passim 21 | 2018 (PDF, 2 MB, 23.05.2018)Bulletin des Schweizerischen Literaturarchivs | Bulletin da l’Archiv svizzer da litteratura | Bollettino dell’Archivio svizzero di letteratura | Bulletin des Archives littéraires suisses
Dernière modification 31.05.2018