À la recherche de l’arrivée du printemps dans les Grisons

Le 1er mars, dans les Grisons, de nombreuses personnes fêtent le Chalandamarz, qui marque la fin de l’hiver et annonce la venue du printemps. Ce nom vient du romanche et indique d’où vient cette coutume. Grâce au livre pour enfants «Schellen-Ursli» («Une cloche pour Ursli»), cette tradition est aussi connue en dehors de Suisse.

Un petit groupe d’écoliers et d’écolières en costume traditionnel accompagnés de leur enseignant s’apprêtent à chanter devant des maisons massives typiques de Guarda. Au premier plan, colliers et sonnailles indiquent que c’est le jour du Chalandamarz. À l’arrière-plan, on aperçoit le public.
Des écoliers et écolières au Chalandamarz de Guarda (1958), (source : ASL-Peer)
© Auftrag Verkehrszentrale, Fotograf unbekannt

Quasiment tout le monde, en Suisse, connaît le berger Ursli ‒ appelé Uorsin dans la version originale en romanche. Ce livre de 1945, écrit par Selina Chönz (1910-2000) et illustré par Alois Carigiet (1902-1985), a ému des générations d’enfants. C’est une histoire familiale touchante, avec de magnifiques dessins, qui permet de découvrir certains aspects de la culture romanche et plaît encore aujourd’hui.

Les aventures du petit berger des Grisons sont aujourd’hui connues bien au-delà des frontières de notre pays. Dans les fonds de la Bibliothèque nationale suisse figurent les éditions en romanche et en allemand, mais aussi des traductions en français, en italien, en anglais, en chinois, en japonais, en suédois et en néerlandais, comme en témoigne une recherche dans le catalogue avec le titre original «Uorsin». Il existe même des versions en espéranto et en persan ! 

Publié en 1945, ce livre trouvait bien sa place dans une époque encore imprégnée de «Heimatschutz» et où le mouvement de « défense spirituelle » était en plein essor. De plus, le romanche, dans ses différents dialectes (idiomes), n’avait été reconnu comme quatrième langue nationale officielle qu’en 1938, à la suite d’une votation populaire.

Guarda et le Chalandamarz pour la touche romanche

Ce n’est pas un hasard si l’histoire se déroule dans un village qui, dans les dessins de Carigiet, rappelle fortement Guarda. Entre 1939 et 1945, le village a fait l’objet d’une restauration complète par les services grisons de protection du patrimoine. Chönz y vivait, et Carigiet y séjourna longuement. Le mari de Chönz, Iachen Ulrich Könz (1899-1980), architecte et conservateur des monuments du canton des Grisons, était chargé de la rénovation complète du village.

On voit sur l’image trois cloches de vache décorées de fleurs en papier crépon coloré.
Les cloches décorées, éléments indispensables du Chalandamarz
© Flurin Bertschinger (2015)

Autre élément important de l’histoire : la coutume du Chalandamarz. Certes, elle varie légèrement d’un endroit à l’autre, mais l’une de ses constantes est un bruyant cortège d’enfants (à l’origine, des garçons la plupart du temps) vêtus du traditionnel costume paysan local (blouse bleue, foulard rouge, et souvent un bonnet à pointe rouge), portant colliers de vache, cloches, sonnailles, qui chantent et font claquer leur fouet. Le bruit est censé chasser l’hiver et annoncer la venue du printemps. Dans de nombreux villages, le Chalandamarz était aussi le jour où l’on renouvelait le personnel communal. Cette coutume est inscrite à la «Liste des traditions vivantes en Suisse». Le site de l’Office fédéral de la culture (OFC) qui leur est consacré (lebendige-traditionen.ch) montre les multiples formes de cette tradition.

Extension, origines et évolution de la coutume

Cette tradition est pratiquée dans l’Engadine, le Münstertal, le val Bregaglia, le val Poschiavo, le val Mesolcina, l’Oberhalbstein et la vallée de l’Albula. À Celerina, elle a été interdite pendant près de deux cents ans à cause d’un prêtre piétiste du XVIIIe siècle hostile à ce rite, païen à ses yeux, consistant à chasser l’hiver. Même si le terme de Chalandamarz (calendes de mars) renvoie au début de l’année dans la Rome antique, son histoire ne peut être retracée jusqu’à cette époque lointaine.

Des écoliers en blouse bleue entonnent des chants de Chalandamarz devant la fontaine du village
Des écoliers chantent des chants de Chalandamarz. Tschlin (2015).
© Flurin Bertschinger (2015)

À l’instar du romanche, qui était à l’origine la langue dominante dans les Grisons, le Chalandamarz a vu son importance décroître au fil du XIXe siècle, en particulier dans les régions où circulaient de plus en plus d’étrangers. Mais les promoteurs du tourisme et les défenseurs du patrimoine ont reconnu la culture romanche à sa juste valeur et ont donné un nouvel élan au Chalandamarz au XXe siècle en le faisant connaître à l’extérieur de la région. La population des Grisons a joué le jeu en soutenant le projet, et s’est souvenue de ses racines culturelles.

Soudain, toute la Suisse s’y intéresse : le Chalandamarz dans la presse

Une recherche sur e-newspaperarchives.ch, le portail de la presse suisse numérisée, permet de mettre ce phénomène en évidence : début janvier 2025, 1387 articles de plus de 50 mots sont associés au mot-clé «Chalandamarz». Les médias grisons se taillent la part du lion avec 1202 articles, le reste provenant des autres régions de Suisse. Et les descriptions précises de cette coutume publiées en dehors des Grisons ne datent que de l’après-guerre. On peut donc parler en quelque sorte d’un «effet Ursli».

Bibliographie et sources

Dernière modification 27.02.2025

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