Entre Göschenen et Andermatt, les gorges du Schöllenen ont longtemps constitué un obstacle de taille pour quiconque se rendait en Léventine. Ce n'est qu'au début du XIIIe siècle que les Uranais parviennent à se frayer un passage entre les falaises de granit escarpées et les eaux tumultueuses de la Reuss. La construction de ce pont, que la légende attribue au Diable, permet au sentier muletier du St-Gothard de se développer. L'étape n'en demeure pas moins impressionnante pour l'homme d'alors : « l'aspect des alentours du pont du Diable est d'un sublime effrayant ; les blocs entassées les uns sur les autres remplissent l'âme de terreur ; on croirait qu'on a sous les yeux les ruines d'un monde entier, et que la fable des géants s'est réalisée », témoigne par exemple ce voyageur de la fin du XVIIIe siècle. C'est ce statut de passage obligé sur la route nord-sud, mais dans le même temps de lieu impressionnant et craint, qui va contribuer à forger la réputation iconique de l'ouvrage.