Le cavalier, la coquille, le grand aigle, le raisin ; vélin ou vergé, bouffant ou satiné ; bible, buvard, carbone... Cet inventaire à la Prévert ne vous évoque rien ? Et pourtant c'est du papier dont il s'agit ─ que ce soit pour parler de son format, de sa fabrication ou de son utilisation. Des papeteries célèbres et des pays lointains ont enrichi le lexique (enchanteur) du papier : Arches, Chine, Japon, Lafuma, Rives... Des termes plus évocateurs et poétiques que les internationaux «Offset» ou «A4», non ? Un vocabulaire à l'usage des bibliophiles qui savent déchiffrer l'énigmatique inscription sur laquelle se referme une édition originale des Dixneuf Poèmes élastiques de Cendrars : « Ex. N° 40 in-8 Jésus, sur Hollande van Gelder ». Il n'y a pas si longtemps, tout lecteur ─ aussi peu bibliophile fût-il ─ entretenait encore un rapport particulier avec le papier qui composait son ouvrage puisqu'il lui fallait couper les feuillets non massicotés pour en découvrir le contenu.
Mais le temps n'est point à la nostalgie ! Le papier a encore de beaux jours devant lui ─ Pierre-Marc de Biasi n'a-t-il pas donné tort aux « professeurs ès avenirs » qui annonçaient, dans les années 1980, la fin de l'empire du papier ? Si l'hégémonie de ce « fragile support de l'essentiel » fut remise en cause avec l'avènement de l'informatique, on ne peut que constater la permanence et l'omniprésence du papier sans lequel « notre monde ne pourrait se concevoir et qui pourtant reste le plus souvent transparent au regard », disparaissant « derrière le symbole, le texte, la représentation ou le signe dont il est porteur ». Rendons justice, pour une fois, au support de notre culture écrite et tournons notre regard vers ceux qui le connaissent, le conservent et le chérissent.
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Dernière modification 04.11.2015
