Les Archives littéraires suisses (ALS) sont un lieu de rencontre entre la littérature et la recherche scientifique; dans ses murs se croisent tour à tour des écrivains qui viennent déposer leurs papiers personnels et des chercheurs qui se rendent en salle de lecture pour les découvrir et les analyser. Une étroite collaboration est alors nécessaire, entre les individus, mais également entre les institutions. Les ALS s’engagent ainsi chaque année dans diverses coopérations avec des partenaires tels que des universités, des associations littéraires ou des fondations. «Kooperation, complicité, collaborazione, convivenza»: le thème annuel 2024 des ALS, exprimé dans les quatre langues nationales, entend rendre compte des différentes formes que prennent ces partenariats. À l’intersection de la recherche scientifique et de la médiation culturelle, ces collaborations se basent sur la double hypothèse que les grands projets ne peuvent être réalisés qu’à plusieurs, et que les résultats communs sont plus que la somme des contributions individuelles.
Au centre de cette constellation institutionnelle et humaine se trouve un personnage singulier auquel ce numéro de Passim consacre son dossier: l’écrivain-professeur, tout à la fois auteur d’une œuvre personnelle et producteur d’un savoir (discursif et/ou livresque) sur l’œuvre d’autrui. Les couples «auteur-lecteur» et «créateur-penseur» se fondent alors en une seule personne, comblant en quelque sorte le hiatus qui a longtemps été considéré comme infranchissable entre la critique et la création. «Écrivain-professeur»: le mot valise est commode mais le trait d’union cache en réalité des situations très différentes, et les deux activités peuvent tour à tour alterner, s’influencer ou se nuire. En termes sociologiques, la figure de l’écrivain-professeur a une histoire et succède à l’écrivain-journaliste, modèle prédominant jusqu’au milieu du XXe siècle. Contrairement aux articles de presse des écrivains qui font maintenant l’objet d’éditions spécialisées et de recherches académiques, les écrits critiques des écrivains-professeurs constituent encore un domaine à explorer, comme l’appelle de ses vœux Charles Coustille (p. 6-7). En Suisse romande, les exemples ne manquent pas, que l’on pense aujourd’hui à Martin Rueff, Jérôme Meizoz, Daniel Maggetti, ou encore Sylviane Dupuis qui, en tant que poète et dramaturge, mais aussi critique littéraire et professeure à l’Université de Genève, revient pour Passim sur cette double ambition dans un article intitulé: «Les vases communicants de l’écriture et de la lecture critique» (p. 7-9).
La galerie de ce numéro présente enfin quelques cas à partir des fonds conservés aux ALS (comme Marc Eigeldinger ou Gonzague de Reynold, poètes et professeurs) et illustre d’autres types de relations possibles entre littérature et monde académique, sous l’angle des interactions entre ces deux univers.
Passim 33 | 2024 (PDF, 13 MB, 16.07.2024)Bulletin des Schweizerischen Literaturarchivs | Bulletin des Archives littéraires suisses | Bollettino dell’Archivio svizzero di letteratura | Bulletin da l’Archiv svizzer da litteratura
Dernière modification 16.07.2024